Le cabinet d'estampes du M se dévoile Impressionnant !
OH NON, DES SOUVENIRS MORTUAIRES !
Comment se passe le travail au cabinet d'estampes ?
Bie : « Au moment où j'ai commencé, il y a près de trois ans, le projet venait tout juste d'être lancé. Une grande partie de la collection était encore stockée dans les cartons du Musée Vander Kelen-Mertens. On a demandé à chacun de nous ce que nous préférerions faire ; moi, j'ai opté pour la numérisation. »
Lucienne : « Je suis arrivée un peu plus tard. Je me charge des descriptions : à l'aide d'un logiciel spécialisé, j'enregistre les dimensions de la pièce et sa provenance, j'évalue l'état du papier, je note s'il s'agit d'un dessin au fusain, d'une aquarelle, d'un pastel… Nous recevons une formation avant de commencer et je dispose aussi d'une documentation reprenant tout ce que je pourrais rencontrer. Et si nous n'arrivons pas à nous en sortir, nous pouvons toujours demander de l'aide. »
« J'ai commencé par toute une série d'images de dévotion. J'ai d'abord pensé : “Oh non, des souvenirs mortuaires, ça va être triste !” Mais il y avait aussi des souvenirs de communion et des images accompagnées de prières à toutes sortes de saints. »
Bie : « Numériser va relativement vite, mais il faut toujours bien vérifier le résultat. Pour s'assurer qu'il est parfait, il faut scruter l'image ; on y distingue beaucoup de détails de cette façon. Quand je tombe sur des estampes qui me captivent, j'appelle l'un des collaborateurs du M en m'exclamant : “Regarde ce que j'ai trouvé !”. »
« J'ai été touchée par certaines images de piété. Je me souviens du mémento d'un jeune homme, fraîchement diplômé au moment où a éclaté la Première Guerre mondiale. Engagé volontaire, il est devenu pilote d'avion et s'est écrasé lors de sa première mission. Et aussi du souvenir mortuaire d'une maman morte en couches. Au dos de son mémento était imprimé l'annonce de décès du bébé, mort trois jours après. Dans de tels moments on se dit : ces gens-là ont vécu et leur souvenir a été conservé… On s'y attarde un instant. »
Lucienne : « Je n'ai rencontré rien d'aussi dramatique. Dans mon lot il y avait beaucoup de béguines, qui vivaient jusqu'à un âge avancé. (rires) »
FABLES
Il y aura bientôt une exposition au M, ‘Impressionnant !’, une sélection de pièces du cabinet d'estampes. Les visiteurs vous y verront à l'œuvre. Qu'en pensez-vous ?
Bie : « Pas de problème, j'ai été institutrice, j'ai l'habitude d'être observée. »
Lucienne : « Moi non plus, ça ne me dérange pas. Je suis toujours très intéressée par ce qui se passe dans les coulisses, donc je comprends ce choix. D'ailleurs, ça se fera à distance, les gens ne vont pas regarder par-dessus notre épaule. Surtout pas en ces temps de Covid-19, mais même avant la pandémie, il était prévu de maintenir une certaine distance. »
Et il paraît que vous participez à la sélection, en concertation avec les curateurs ?
Bie : « Oui, nous pouvons désigner nos estampes préférées et les curateurs de l'expo en sélectionneront certaines. Pour moi, ce sera un dessin auquel j'ai repensé plusieurs fois pendant le confinement : il représente un groupe autour d'une tombe. Je l'ai tout de suite admiré en le numérisant – j'ai appris depuis lors qu'il est de Félicien Rops – et j'aimerais bien le revoir. »
« Il y a aussi une série intéressante de dessins didactiques en maths, astronomie, biologie… J'aimerais savoir de quelle époque ils datent et à quoi ils ont servi. »
Lucienne : « Moi, j'ai dû rédiger la description de gravures illustrant les fables de La Fontaine. Il y en avait certaines que je ne connaissais pas, pour lesquelles j'ai alors recherché la morale de l'histoire. Ainsi on continue à apprendre. »
Vous recherchiez toutes deux une activité pour garder l'esprit actif. L'avez-vous trouvée ?
Lucienne : « Oui. Le travail que je fais ici, au M, m'a incitée à rendre visite à d'autres musées, ce que je ne faisais pas auparavant, j'étais trop occupée. Mais là, j'ai déjà visité le MAS, le Middelheim, le Musée de la Photo à Anvers… Sans le M, je n'aurais pas franchi le pas, je crois. »
Bie : « Chaque fois qu'une nouvelle expo s'ouvre au M, les bénévoles peuvent suivre une visite commentée par le commissaire de l'expo. Ça m'intéresse énormément à chaque fois – ils racontent avec une telle passion. Et plus tard j'y reviens seule, pour tout regarder à mon aise. »
« Une fois par an nous partons en excursion. Nous avons visité le Jardin botanique de Meise – qui est très beau – et la Bibliothèque royale, où nous avons pu voir les gravures de Bruegel et découvrir les coulisses de leur cabinet d'estampes. Nous sommes choyés ! »
Lucienne : « Et on nous apprécie, c'est très clair. Les collaborateurs viennent voir ce que nous faisons, répondent à nos questions… Pour ça aussi, tous nos efforts valent la peine. »
Combien de temps pensez-vous encore passer au cabinet d'estampes ?
Bie : « Quand j'ai posé cette question, on m'a répondu qu'il restait assez de travail pour le restant de nos jours ! (rires) »